Pierre Develay
Dans la lune
Comme pour Marie et la louve, un formatage précis du texte était demandé,
avec l'inclusion d'une liste de mots fournie par Véronique Sauger.
5ème lauréat du concours, mon texte a été édité dans le recueil ci-dessous.
Texte original :
Ce soir d’été là, petit Pierre essayait de s’endormir dans son lit d’enfant. Sa maman venait de le border selon le rituel habituel et il repensait à ce que lui répétait souvent sa maîtresse : « Pierre, cesse donc d’être dans la lune ! ». C’était ainsi plusieurs fois dans la journée… Même sa maman le lui avait dit un jour, alors qu’il réfléchissait comment assembler son puzzle !
« Dans la lune ! »… Il n’y avait bien que les grandes personnes pour inventer des expressions pareilles ! Personne n’était dans la lune, pas plus lui qu’un autre ! D’ailleurs, s’il y avait été, il aurait mis plus longtemps à leur répondre… Et puis, après tout, c’était peut-être bien d’être dans la lune ? Peut-être que là-bas, personne ne vous dit sans cesse : « fais ceci ! Ne fais pas cela ! ». Allez savoir ?
C’est en réfléchissant à tout cela qu’il finit par s’assoupir en suçant son pouce…
À peine endormi, quelque chose d’indéfini alerta Pierre. Il s’appuya sur un coude pour écouter. Il ne perçut aucun bruit autour de lui mais quelque chose de gigantesque lui attira le regard, là-bas, à l’horizon. Il s’agissait d’une mystérieuse et énorme boule lumineuse, très colorée. Ce n’était donc pas la lune qui est toujours toute jaune, comme chacun sait. Pierre ne comprenait plus rien…
Il sentit aussi que quelque chose le talait. Il glissa sa main sous son flanc pour en retirer un caillou... Qu’est-ce qu’un caillou faisait dans son lit ? Il décida de le jeter, mais, au lieu de retomber tout près, il monta très haut dans le ciel noir et partit tellement loin qu’il le perdit de vue.
Pierre s’assit alors, afin de mieux observer ce ciel étrange. La grosse boule multicolore était montée à l’horizon. Il se demandait où il avait déjà vu cette chose et réalisa soudain : c’était un globe identique qui ornait le bureau de sa grande sœur ! Son papa lui avait expliqué qu’il s’agissait de la Terre et lui avait même montré où ils se situaient dessus. Pierre avait dit qu’il était content d’être en haut parce que les gens installés en bas devaient être obligés de se cramponner pour ne pas tomber... Ça avait bien fait rire son papa qui lui avait répondu : « je t’expliquerai ce mystère quand tu seras plus grand ! ».
En attendant, c’était donc la Terre qu’il avait devant les yeux ! Et s’il la voyait aussi loin, c’est qu’il n’était plus dessus ?! Sous ses doigts, au lieu du drap doux habituel, Pierre ne découvrit qu’une sorte de poudre grise. Autour de lui, ce n’était que trous ou petites montagnes aussi gris les uns que les autres. Aucune fleur à cueillir nulle part… Mais où était-il donc ? Il finit enfin par comprendre : il était bel et bien dans la lune ! Ah, c’était malin de lui avoir répété ça à longueur de journée !… Maintenant, il y était pour de bon !
Mais après tout, n’était-ce pas formidable ?! Tellement de gens rêvaient d’y aller et lui, Pierre, y était arrivé sans rien avoir demandé ! Tout fier de sa situation exceptionnelle de liberté, il décida de partir à la découverte de sa nouvelle planète. Mais s’y déplacer n’était pas facile ; dès qu’il s’appuyait seulement sur un pied, il faisait un bon de trois mètres en avant ! Pourtant, il s’y habitua rapidement et parcourut bientôt la lune à enjambées de géant. Il riait aux éclats, s’amusant à faire des pirouettes en l’air avant de retomber, tout léger !
Pierre marcha ainsi longtemps, longtemps… Il espérait tomber sur un Pierrot ou d’autres enfants qui se seraient réveillés sur la lune, tout comme lui ? Il pourrait alors s’amuser avec eux à faire des concours de cabrioles, jouer à la marelle ou à autre chose ?… Au bout d’un long moment, il comprit qu’il ne rencontrerait personne et qu’il était vraiment tout seul dans son royaume lunaire ! Drôle de roi sans couronne sur un astre mort… Alors, il repensa à sa maman, son papa, sa grande sœur, ses copains et sa maîtresse. Tout son monde lui manquait et il eut terriblement envie de le revoir. Même sa maîtresse, il voulait l’entendre lui reprocher d’être dans la lune, c’était pour dire ! Cet endroit était tellement gris et triste, comparé à son jardin si vert aux arbres remplis de fruits ! Ah, seulement pouvoir de nouveau déguster une cerise !...
Mais comment revenir sur Terre ? Plus il y réfléchissait et plus cela le fatiguait… Éreinté, il s’allongea en boule et ne tarda pas à s’endormir au clair de Terre, en se promettant de trouver une solution, dès le lendemain….
Bientôt, il sentit qu’une main le secouait doucement… Un autre enfant de la lune l’avait-il enfin trouvé ? Mais pourquoi possédait-il la voix douce de sa maman ?
– Eh bien Pierre, tu en as fait un chantier avec ton lit ? Tu as même envoyé ton doudou à l’autre bout de ta chambre ! Il faut se réveiller pour aller boire ton chocolat, mon cœur. Il y a école ce matin !