Pierre Develay
DEUX AVIS SUR L'ÉCRITURE
1er avis (le mien) :
« Écrire procure la sensation étrange d'être le maître absolu dans ses textes : l'auteur a plein pouvoir pour donner, à chacun de ses personnages, un cadre de vie, un destin et même éventuellement, la mort. Curieusement, ce pouvoir presque “divin” m'a procuré une petite angoisse lors d'une représentation théâtrale où j'ai vu pour la première fois, vivants, des personnages tout droit sortis de mon imagination faire et dire exactement ce que j'en avais décidé... » (Est-ce grave, Docteur ?)
2ème avis (de Madame George Sand) :
« Les chefs-d'oeuvre ne sont jamais que des tentatives heureuses. »
J'ai donc mes chances !...
J’entends souvent des lecteurs dire, à propos de mes textes : « Ils sont faciles. Ils se lisent bien ! » S'ils savaient le travail ciselé que cela représente d'avoir un texte qui « coule » !!!...
D'ailleurs, je ne sais pas pour vous. Mais perso, un livre dont il faut relire une phrase sur deux pour en saisir le sens est vite refermé à jamais.
Voici un article consacré à Fred Vargas dont j'aurais pu être le sujet puisque c'est exactement ce que je vis aussi (à l'exception des dialogues qui me demandent peu de travail) :
« Finalement, ce qui lui prend le plus de temps, c’est ce qu'elle appelle “le boulot d’auteur”. Six mois de corrections en moyenne pour améliorer l’ensemble. Des modifications essentiellement stylistiques. De la première mouture, il reste le scénario, sauf en cas d’incohérence purement technique, confirme-t-elle. En revanche, ce que j’écris en trois semaines ne ressemble à rien : la matière ne va pas, le son ne va pas. Il faut tout reprendre, lâche-t-elle. Ce sont des corrections qui vont parfois jusqu’à la folie : un carnage, une boucherie de mots. Des passages entiers que je saque car ils sont mauvais, insauvables, inutiles. »
Au total, Fred Vargas avoue faire pas moins de quarante relectures du livre en entier. « À la fin, je n’en peux plus, je ne peux plus le voir. Car il y a beaucoup de bois mort, surtout dans les dialogues. Dire que c’est facile à lire, donc facile à écrire est complètement faux : c’est l’enfer ! » s’exclame-t-elle.